Les journées passent et se ressemblent toutes, surtout quand on est un homme de ving-sept ans enfermé dans un asile, entouré de fous furieux tous plus étranges les un que les autres, alors que lui n'avait rien. Le garçon ne s'était jamais considéré comme quelqu'un de chanceux, mais il fallait avouer que là, il avait tiré le gros lot. Lui qui s'était toujours considéré prisonnier de l'existence, de ces foutues lois, de l'autorité qui ne lui permettait pas de faire ce qu'il voulait. Comparé au Waverly Hills Sanatorium, le monde extérieur était une partie de plaisir où tout était beau et parfait. Et pourtant, c'était là que le grand brun devrait passer le restant de son existence, du moins pour quelques années encore, si un jour les dieux de la bonne fortune se montraient cléments avec lui. Ce qui ne risquait pas d'arriver, l'adulte était plutôt du genre démon qu'ange, et tout le monde sait bien qu'il n'y avait pas de paradis pour les pécheurs. Surtout quand on s'appelait Ashton Jude Moriarty.

Alors il faisait toujours la même chose, répétait les mêmes actions inlassablement, tous les jours. Le matin on se levait, se lavait, s'habillait, prenait le petit-déjeuner, puis quartier libre jusqu'à midi, où l'on retournait au réfectoire pour manger. L'après-midi était plutôt variable ; une fois par semaine -ou plus, parfois- on rendait visite au psychiatre. On passait à l'infirmerie si quelque chose n'allait pas. Parfois, on avait le droit à un film ou un documentaire dans la salle de projection. Ou alors on allait dans le vieux salon avec une légère odeur de moisi, mais quand même accueillant. Ashton pour sa part préférait se rendre à la bibliothèque où il avait sa place attitrée, un vieux fauteuil en cuir un peu défoncé, mais tellement confortable. C'était là qu'on pouvait le retrouver le plus souvent, plongé dans un livre. Les ouvrages variaient souvent ; il n'était pas difficile, mais c'était souvent de la poésie. Du Rimbaud. Le jeune adulte adorait Rimbaud. Alors quasiment tous les jours, il allait se réfugier dans la littérature, pour oublier quelques temps la triste réalité de son sort. Le brun faisait ça depuis si longtemps maintenant, c'était presque une seconde nature pour lui.

Dès sa plus tendre enfance, Ash avait aimé les livres. D'abord la sensation du papier un peu granuleux sous ses doigts, les lettres imprimées en une longue suite de mots qu'il ne pouvait -à l'époque- pas déchiffrer, mais aussi les couvertures, surtout celles des livres plus anciens, avec le titre écrit en doré. Tout était fascinant dans ces objets, encore plus quand on pouvait les déchiffrer. C'était alors tout un monde qui s'ouvrait au lecteur, emporté dans un tourbillon de sentiments, d'aventures toutes plus rocambolesques les unes que les autres. C'était peut-être l'une des rares fois pour le garçon qu'il se sentait proche de quelqu'un, partageant ses émotions, ses peurs et ses espoirs. Et mine de rien, ça lui faisait du bien, de parfois ressentir des émotions fortes comme celles-là. De sortir de sa carapace d'homme insensible qui n'a rien à foutre de tout ce qui se passe autour de lui.

Ashton était donc lové dans son fauteuil, le cuir ayant pris la forme de son corps. Il faisait bon, les fenêtres étaient légèrement entrouvertes et une légère brise rafraîchissait le lieu. Dans cette atmosphère réconfortante, le jeune Moriarty était dans sa bulle, complètement imperméable au monde extérieur, comme si rien à part lui, le livre et son fauteuil n'existaient. Tout était parfait et l'homme aurait aimé que cela dure pour l'éternité, ce bonheur si fragile et pourtant si complet. Bien entendu, il faut être fou, ou même idiot pour croire que ça ne peut jamais s'arrêter. Et Ashton n'était ni fou, ni idiot, alors quand sa quiétude fut dérangée, il ne s'en étonna même pas. Le garçon leva simplement les yeux de son livre, pour faire face à la personne qui l'avait dérangé.

Combien de temps était passé depuis que père m'avait laissé ici avec Alice ? Je l'ignore et bien que je me sentes à l'aise ici, la maison me manqué... Pas celle des États-Unis, je parles de celle de Londres, ma seule véritable maison. Sloane m'avait fait visiter le centre et me voilà, une nouvelle fois allongé sur le lit de ma chambre qu'on m'avait attribué. Immédiatement, je m'étais empressé de dessiné et de peindre ses murs blancs et austères pour refaire sortir mon univers. Alice m'avait aidé, surtout pour la déesse que j'avais peint au plafond. Rapidement, cette chambre impersonnelle fut recouvert de la patte de Sambre comme avait dit Alice. Ainsi Noct Liddell venait de s'installer dans cet endroit et je savais pertinemment que je n'en sortirai pas. Alice m'avait prévenu que je resterai longtemps ici, J'ai accepté mon sort... J'espère seulement qu'il y a un piano, j'ai bien pris mon violon, mais un peu de piano c'est bien plus jolie. Tout le monde n'est pas réceptif au violon...

Plongé dans la contemplation de mon plafond, je fus tiré de mes pensé par la voix cristalline de Alice qui conseille de bougeait un peu. Je soupir mais finis par accepté de marcher un peu et d'aller déjeuner. Installé dans chaque coin de la salle, les monstres blanc veillent... Je sais pas qui ils sont, mais ils n'ont pas l'air commode. Alice les aiment pas, elle crache son poison près de moi, faisant gonflé ma colère. Elle finit par me tiré vers un endroit où le calme et la sérénité sont les reines. Au travers des couloirs, je vois des gens bien étranges, la jeune fille près de moi me dit que ce sont des âmes perdus. Bon ben, j'ai rien à craindre d'eux alors. Si je les ignorent et bien tout iras bien alors...

Enfin, on atteint la bibliothèque. Le temple des livres et de l’imagination. Bien que j'aime lire les romans, j'aime bien plus les contes. Grimm, Perrault et Andersen m'ont fait grandir et Grimm m'a permis d'évolué vers l'homme que je suis devenu. Bon, j'ai l'air brute de décoffrage, mais promit je mords pas tout de suite. Attention ! C'est pas parce qu'a mon âge je lis encore des contes que je ne lis que ça ! Non monsieur ! Avant qu'on m’emmène, j'avais commencer les Misérables de Hugo. Bien que l'histoire de Fantine ne me plaise pas trop, je trouvai Jean Valjean très attachant et Javert très charismatique. Les descriptions sont certes très longues, mais ça donne une bonne idée du personnage. Mais aujourd'hui, j'avais envie de lire... Que dis-je ? De relire le Chaperon rouge de Grimm. On l'ignore beaucoup, mais le conte originel est particulièrement sanglant. Et ça, ça plait beaucoup à Alice. Elle aime le rouge, elle adore cette couleur et je la comprends.

Me voilà donc à errer dans les rayons de la petite bibliothèque à chercher les contes. Et quand enfin on trouve la section, le conte tant rechercher n'y est pas.

-Quelqu'un doit être entrain de le lire... Soupire Alice.

Je hoche la tête et regarde autour de moi. Personne n'a un livre de conte dans les mains, il a du être sortit de la bibliothèque. Je soupire et vois alors un jeune homme installé dans un vieux fauteuil en cuir.

-Les misérables...
-C'est ce que tu lisais non ?

Je hochai la tête quand je vis le regard du jeune homme, je lui offrit un sourire calme.

Le visage neutre, Ashton étudia lentement l'homme en face de lui. C'était un nouveau, il en était sûr, car le garçon ne l'avait jamais vu. De plus, il avait eu le courage de l'aborder, ce qu'en général, personne ne faisait. Puis Moriarty se rappela des paroles de son psychiatre, quelques heures plus tôt : « Y'a un petit nouveau qui a tué son frère, et il a des hallucinations auditives et visuelles. Donc si tu le croises, fais gaffe, on sait jamais.. », ce à quoi le grand brun avait répondu par un sourire en coin qui voulait dire Cause toujours, j'ai pas peur des fous moi. C'était gentil de la part de Drake de s'inquiéter pour lui, mais franchement il commençait à avoir l'habitude. Des personnes étranges, il y en avait dans tous les recoins ici et il n'en avait absolument pas peur. Il aurait sûrement du, toute personne saine d'esprit l'aurait été. Mais après un an et demi passé dans un asile, peut-on encore se considérer comme sain d'esprit ? Moriarty en doutait fortement.

N'empêche que le mec d'en face était toujours là, à lui sourire d'un air confiant. Pourtant, le jeune adulte n'avait pas l'habitude d'être très bavard, ni accueillant, alors il ne voyait pas pourquoi l'autre était là. L'évidence le frappa tout de suite : il ne savait pas à qui il avait affaire. C'est vrai, après tout, Ashton ne pouvait pas lui en vouloir ; le nouveau ne savait pas qu'il avait en face de lui un homme totalement associal qui n'avait aucun intérêt pour les autres tant qu'il n'avait pas jugé qu'ils en valaient la peine. Mais peut-être que justement, celui là était différent. Après tout, il avait tué son frère, c'était pas rien. En plus, il était dans la bibliothèque, ce qui signifiait qu'il s'intéressait plus ou moins aux livres. Et ça, c'était plutôt un bon point pour le jeune homme.

Se redressant pour se placer correctement dans son fauteuil -non, il ne prenait pas la peine de se lever-, et tentant un sourire qui se voulait avenant, Moriarty dit à l'homme en face de lui « Salut, moi c'est Ashton, et toi ? ». Il aurait peut-être du dire "et vous", à la place, mais il était évident que niveau hallucinations, Ash ne s'y connaissait absolument pas et n'avait aucune idée de ce qu'il fallait dire, ou faire. Jusqu'à ce jour, discuter avec des fous n'avait pas été l'une de ses préoccupations particulières, il était donc un peu novice. Regardant tout autour de lui en même temps, il vit que la bibliothèque était presque déserte, comme à son habitude, ce qui le désolait. Ça énervait le jeune Moriarty de savoir que beaucoup de gens ne prenaient même pas la peine de se cultiver, entretenir leur esprit, alors que l'endroit était plutôt bien fourni en ouvrages de qualité. Mais bon, au moins on pouvait être sûr que la pièce restait toujours calme, puisuqe presque vide. Reposant son attention sur le garçon en face, dont il ne savait toujours pas le nom, Ashton referma le livre qu'il tenait dans ses mains, Les Misérables.

Devant moi, le jeune homme ne semblait pas très causant. Quoi de plus normal face à un inconnu, je continué pourtant à lui sourire innocemment, en étant sur qu'il allait m'envoyer paitre dans quelques minutes. Alice me faisait un bref résumé des misérables à mes côtés et de sa fascination pour la relation entre Valjean et Javert. Pour elle, elle était sur qu'il y avait plus que de la haine entre le commissaire et le fugitif. Sa manière de remastérisé l'histoire était fascinante quand on y pense et j'aimai beaucoup sa manière de faire. Bien que dés fois cela donner des couples un peu étrange, je dois dire...

Le jeune homme avait relevé sa tête et me fixé dorénavant dans les yeux. Ne pas bouger quand on me regarder dans les yeux étaient un moyen pour moi d'envisager une défense si les coups partaient. Il se replaça correctement sur le fauteuil en continuant de me regarder. Assis sur ma chaise en bois, je penchai la tête pour mieux l'observait.

Salut, moi c'est Ashton, et toi ?

Tiens ? Je suis pas tout seul pourtant, il y a aussi Alice avec moi. Peut être il ne la voyait pas.

-Noct et la jeune fille là, c'est Alice...

La moindre des choses, c'est de présentait ce qui nous accompagnent en permanence. Elle sourit en secouant la main. Le jeune homme regarda autour de lui. Oui, la bibliothéque est déserte... Malheureusement. Je fus ramener à la réalité par le bruit de livre qui se ferme. Le roman de Victor Hugo était maintenant fermé dans les mains du jeune homme.

-Vous en êtes ou du roman ?

Noct. C'était un prénom peu commun ça, mais ça sonnait bien. Par contre, la Alice, il avait beau y mettre tout son coeur, Ashton ne la voyait pas. Mais après tout, c'était ce que Drake lui avait dit, alors il s'en était douté. Ne laissant rien transparaître, restant imperturbable, Moriarty esquissa un léger sourire -chose plutôt rare chez lui- et dit : « Désolé Alice, je suis un peu dans la lune en ce moment, je ne t'avais pas vue... ». Il n'avait toujours aucune idée de ce à quoi elle ressemblait, bien entendu, mais Ash avait décidé de se montrer conciliant aujourd'hui. Aussi une manière d'évaluer combien était dangereuse la personne en face de lui. Pour l'instant, il semblait tout à fait normal, mais le temps qu'il avait passé au côté de tous ces fous l'avait averti que quelqu'un pouvait paraître tout à fait normal et être en réalité le pire des psychopathes. Qu'importe, le jeune homme avait l'habitude maintenant, et au pire ce n'était pas la première fois qu'il se mettait dans des situations délicates. Il savait toujours s'en sortir.

Il demandait à quel passage du livre Ashton était arrivé, Noct l'avait sûrement déjà lu, alors. Bien, au moins quelqu'un d'autre qui s'intéressait à la littérature. « Au début de la quatrième partie... En fait je l'avais déjà lu, une fois, mais comme ça faisait longtemps, j'ai oublié. » C'était vrai, quand le jeune homme a commencé à dévorer des bouquins, il est forcément passé par la case de la littérature française. Bien qu'il préférait les poètes, il fallait avouer que Les Misérables était un excellent roman de l'époque. Pas son préféré, néanmoins. Comme toujours lorsque la discussions tournait à propos des livres, Ash s’intéressa tout de suite à la culture de l'homme en face de lui. Et de son amie invisible. « Et vous, vous l'avez sûrement déjà lu... Vous en pensez quoi ? »

C'était toujours intéressant de confronter ses expériences et ses impressions sur tout. Le grand brun avait l'habitude de faire ça avec les autres employés, quand il travaillait encore à la bibliothèque de Louisville. Ces souvenirs avaient une saveur amère pour lui, témoins d'une époque heureuse, mais révolue. Il y avait effectivement eu un moment dans la vie du garçon où il se sentait à sa place et le bonheur était là. Pas pour longtemps, il aurait du en être conscient. Et ça, c'était vraiment une putain d'injustice. Heureusement, Etna était là, et essayait de le faire sortir d'ici, en même temps qu'Eytan et elle-même, par le biais de son avocat. Bien sûr, on n'y croyait plus trop, mais c'était toujours un petit réconfort. D'ailleurs, en revenant à Noct, ça intéressait bien Ash d'avoir sa version concernant son enfermement. Confronter les faits à l'esprit, c'était le meilleur moyen d'en apprendre plus sur les personnes qui l'entouraient. « En fait, pourquoi vous êtes là, vous deux ? » A vrai dire, il s'attendait à tout, ayant déjà entendu les pires choses pouvant sortir de la bouche d'un être humain, alors plus rien ne pouvait vraiment le choquer. Pas après avoir passé un an et demi ici.